Une enquête belge révèle de nouveaux éléments sur l’action de lobbying marocain au Parlement européen
10.03.2023. Le site d’information Off Investigation (Bruxelles) a consacré une enquête au retentissant scandale de corruption au sein du Parlement européen (PE) dans lequel le Maroc est impliqué, apportant de nouvelles preuves sur les pots-de-vin versés par le Makhzen pour faire passer sous silence son occupation du Sahara occidental depuis 1975 et mieux piller les richesses de ce territoire.
L’enquête, signée Maïlys Khider pour Off Investigation, a affirmé que les ex-eurodéputés Antonio Panzeri et Gilles Pargneaux (le premier en prison, le second dans le viseur des enquêteurs belges), sont depuis des années instrumentalisés par le royaume chérifien pour plaider sa cause sur le Sahara occidental. S’appuyant sur des témoignages de l’intérieur de l’hémicycle, l’auteure de l’enquête a rapporté que lors d’une réunion avec Antonio Panzeri en 2015 – alors que celui-ci était membre de la commission des Affaires étrangères et de la sous-commission droits de l’Homme -, un témoin présent note que Panzeri « faisait une différence entre les Sahraouis vivant au Sahara occidental et ceux qui vivent dans les Camps de réfugiés sahraouis ». Avant d’ajouter que Panzeri « n’a jamais pris en considération la possibilité de l’autodétermination ». Etayant davantage ses propos, la journaliste a affirmé, en outre, avoir consulté un document confidentiel daté de 2011 montrant explicitement comment les autorités marocaines négociaient avec Antonio Panzeri qui occupait à cette époque le poste de président de la Délégation Maghreb du Parlement européen (DMAG), pour mieux défendre leurs thèses sur le Sahara occidental.
La note des renseignements marocains a salué l' »ambiguïté constructive » dont Panzeri a su entourer ses « attitudes vis-à-vis des uns et des autres », ce qui montrerait qu’il peut être « un allié de poids ou un adversaire redoutable ». Et Menouar Alem, le haut responsable marocain qui signe la note, de plaider pour « un cadrage des connaissances de M. Panzeri » sur la question du Sahara occidental. Pour ce qui est du député français Gilles Pargneaux, ancien premier secrétaire de la Fédération socialiste du Nord, puis eurodéputé de 2009 à 2019, Maïlys Khider a assuré qu’une source a fourni à Off investigation le compte-rendu d’une réunion du groupe d’amitié Union européenne-Maroc tenue en 2011, sous la présidence de Pargneaux. En substance, « le compte-rendu en question montre comment Pargneaux pesait de son poids pour convaincre ses collègues du bienfondé des thèses marocaines, concernant notamment le respect des droits de l’Homme au royaume, la transparence des élections, ainsi que la démocratie au Maroc », a noté l’auteure de l’enquête.
Dans le même sillage, l’enquête a rapporté comment le député français se déployait sur le terrain pour remercier son « employeur ». Elle a raconté, à ce propos, que Gilles Pargneaux s’est envolé au Sahara occidental occupé juste au lendemain de sa décoration, sur ordre du roi, lors d’une cérémonie officielle au Parlement marocain. Maïlys Khider a rappelé, dans le même contexte, que la dernière action de lobbying de Gilles Pargneaux en faveur du Maroc « était la création en 2018 de la fondation EuroMedA ». Elle a indiqué, à cet égard, qu’à l’eurodéputé français, se sont joints Salaheddine Mezouar, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (le syndicat des patrons marocains) et Cheikh Biadillah, alors élu à la Chambre des conseillers du Maroc et président du groupe d’amitié parlementaire Maroc-UE (APS)