Peut-on rêver en Algérie de médias ni muselés ni vendus ? Par Mustapha Senhadji
Le démantèlement d’un réseau criminel activant sous la couverture du média en ligne Algérie Part dans le cadre d’activités de désinformation et de déstabilisation visant l’Algérie, deux semaines après l’affaire de la fermeture de radio M qui a défrayé la chronique, met en lumière la triste réalité d’une certaine presse algérienne. Les éléments rendus publics par la Direction centrale de lutte contre le crime organisé de la DGSN ne nous ont pas appris des choses nouvelles, hormis quelques détails, sur la nature des activités du sieur Abdou Semmar qui dirige depuis Paris le média Algérie Part. Fake news, chantage exercé sur des fonctionnaires ou des hommes d’affaires en vue de leur extorquer des fonds, propagande anti-algérienne primaire, bref des activités qui n’ont rien à voir avec la prétention médiatique affichée.
Pire, Algérie Part ne s’est pas arrêté là. L’enquête judiciaire a révélé une intelligence avec une partie étrangère hostile à l’Algérie. C’est ainsi que le sieur Abdou Semmar aurait collaboré avec le site Maghreb Intelligence, une vitrine médiatique des services marocains, sous le pseudonyme de Ilyes Laribi, ce dont nous nous doutions déjà mais dont nous ne pouvions pas être sûrs faute de preuves. Il nous est arrivé de dénoncer l’acharnement d’Algérie Part contre le PDG de Sonatrach dans lequel nous avons cru déceler une campagne clanique et régionaliste derrière laquelle se cachait une tentative de déstabilisation d’une entreprise qui continue de verser à l’Etat algérien près de la moitié de ses redevances fiscales et dont personne ne peut ignorer la contribution essentielle au développement économique et social de l’Algérie. Mais nous étions loin d’imaginer toutes les connections de cette propagande ignoble avec des clans corrompus en Algérie et des organismes à la solde d’officines étrangères.
Comment se fait-il qu’un média aussi dégoûtant arrive à tromper au moins une partie de l’opinion publique algérienne ? Telle est la question qui mérite d’être posée. La naïveté de certains lecteurs et de certains auditeurs ne saurait tout expliquer. Bien entendu, ce genre de médias existera toujours tant qu’il y aura des déceptions et des frustrations à combler n’importe comment. Mais la capacité de nuisance de ce genre de médias reste malgré tout fonction du contexte médiatique dans lequel nous nous trouvons. Un contexte médiatique moderne, dynamique et indépendant dans lequel l’information fiable et la critique constructive se côtoient sans problème ne laissera pas beaucoup de place à cette presse de caniveau. En revanche, une presse publique et privée muselée dont le contenu s’apparente à la propagande plutôt qu’à l’information risque de perdre de sa crédibilité et de laisser libre cours aux médias étrangers et à leurs clones algériens.
C’est pourquoi nous osons émettre le voeu à l’aube de cette année 2023 que dans l’Algérie nouvelle promise par le président Tebboune, nous n’aurons pas à choisir entre des médias muselés et des médias vendus à l’étranger. Bien entendu, quand nous parlons de médias muselés, nous ne parlons pas seulement des médias appartenant à l’Etat algérien. Il est normal que des médias publics suivent une ligne éditoriale proche des positions officielles du gouvernement.
Le problème concerne aussi les autres médias dits « indépendants » mais dont l’indépendance reste purement formelle soit parce qu’ils sont à la solde de l’argent de certains hommes d’affaires qui ont amassé leurs fortunes dans des conditions suspectes soit parce qu’ils sont dépendants des recettes publicitaires accordées par l’Etat et qui tombent parfois sous le contrôle des clans dominants du moment. C’est le cas notamment des médias comme Liberté et El Watan. Le premier a été liquidé par son propriétaire Issaad Rebrab dans le cadre d’un redéploiement douteux et le second est en difficultés financières depuis que ses parrains au sein du pouvoir ne sont plus aussi influents.
Quand on parle de musèlement de la presse, nous ne cherchons pas à faire porter le chapeau uniquement à l’Etat algérien. Il ne faut pas non plus oublier cette faune de journalistes opportunistes et serviles qui ne savent pas ce que que signifient les mots liberté et dignité et qui se mettent volontairement au service du puissant au risque de jeter le discrédit sur toute la presse algérienne.
Le combat pour une presse vraiment libre qui pointe du doigt les dysfonctionnements et les injustices sans surenchère mais avec détermination et qui défend les intérêts stratégiques de l’Etat algérien sans tomber dans la servilité à l’égard du pouvoir en place, est un combat difficile dans l’Algérie actuelle mais il vaut la peine d’être mené parce que c’est seulement ainsi que nous pourrions honorer la noble mission médiatique et contribuer, à notre niveau, à la protection et au développement de l’Algérie.
.
Mustapha Senhadji Le 10 janvier 2023