Comment le mythe de Toufik est devenu un fonds de commerce politique
Plusieurs rumeurs circulant sur la toile prétendent que l’ancien patron de l’ex-DRS dissous, le général Toufik, aurait été libéré ainsi que d’autres généraux détenus et ce, dans le plus grand secret. Ces rumeurs ne manquent pas d’alimenter la campagne médiatique tendant à soutenir que le clan du général Toufik est en train de revenir aux affaires sur fond des rivalités opposant les partisans du nouveau chef de l’armée algérienne, le général de corps d’armée, Saïd Chengriha, aux officiers qui étaient proches de feu Ahmed Gaïd Salah. Plusieurs changements au sein des structures militaires pourraient confirmer, selon certaines sources, la rumeur comme par exemple le limogeage et la détention de l’ancien patron du contre-espionnage, le général Wassini Bouazza, et de l’ancien patron de la DCSA, le général Othmane Benmiloud ainsi que d’autres officiers supérieurs et l’arrivée à la tête de la DCSA d’un nouveau responsable connu pour sa proximité avec le général Toufik et qui a été relevé de ses fonctions en 2019 par le général Ahmed Gaid-Salah, le général Sid Ali Ould Zemirli.
Cependant, malgré tous ces indices, plusieurs observateurs qui connaissent bien l’institution militaire ne croient pas du tout au retour du général Toufik. Il n’est pas exclu que ce dernier ait bénéficié, au même titre que d’autres hauts responsables détenus, d’une mesure d’élargissement qui s’explique par le fait que le pouvoir algérien veut à tout prix éviter d’être accusé de les avoir laissés mourir en prison après le décès de l’ancien ministre des télécommunications, Moussa Benhammadi. Mais cela ne signifie pas que le général Toufik a retrouvé son ancien pouvoir qui était par ailleurs très exagéré selon les témoins qui ont connu de l’intérieur les services de l’ex-DRS. En effet, des clans très influents à l’intérieur de l’ex-DRS ont créé et utilisé le mythe du général Toufik pour l’agiter comme un épouvantail intimidant et pour se cacher derrière lui dans l’accomplissement de leurs sales besognes. Les responsables de ces clans, connus pour leur faible niveau éducatif et intellectuel, à l’instar du général Hassan, ont bénéficié de promotions rapides et injustifiées et ont sévi durant plus de deux décennies. Plusieurs parmi eux ont été limogés entre 2013 et 2015 mais dans le grand nettoyage effectué par Gaïd Salah et ses proches, des dépassements ont eu lieu et des cadres compétents ont payé les frais d’une opération qui a été mal planifiée et mal exécutée.
Cependant, des anciens officiers de l’ex-DRS à la retraite nous ont assurés que la déstabilisation des appareils sécuritaires algériens ne date pas de 2013-2015 comme le prétendent les propagandistes à la solde des clans qui se cachent derrière le paravent du général Toufik. Cette destruction a commencé bien avant quand le DRS et ses différents services sont devenus des machines à torturer et à tuer tous ceux qui s’opposaient à la confiscation de la volonté populaire sous prétexte de lutter contre le terrorisme islamiste dont les hordes sauvages furent infiltrées et manipulées par les services des généraux Smain Lamari et Kamel Abderahmane de la même manière que l’aventurisme de l’ex-FIS a été utilisé par les « éradicateurs », avec à leur tête les généraux Nezzar, Touati, Aït Abdesselem, Taghit, pour imposer une réorientation de l’Etat algérien en rupture avec les principes de la Déclaration du 1er novembre 1954 et la fondation d’une « deuxième république » d’obédience « laïco-assimilationniste » sous la coupe des minorités culturelles et idéologiques inféodées à la France. Malgré leur recul au sein de l’Etat algérien, ces clans « éradicateurs » cherchent à reprendre les positions perdues et utilisent pour cela les rivalités au sein de la hiérarchie militaire, la montée des menaces sécuritaires et des actions subversives des groupes liés à la mouvance de l’ex-FIS et le rappel d’anciens cadres injustement écartés dans le contexte du renforcement des services de sécurité. Les experts interrogés insistent sur la nécessité d’une vigilance accrue pour empêcher le retour d’un clan qui partage avec les dirigeants de l’ex-FIS la responsabilité pleine et entière du désastre de la décennie noire et qui risque de mettre en danger la paix civile et la stabilité de l’Algérie s’il venait à reprendre le pouvoir.
Mohamed Merabet