In Salah : l’association Shams avait déjà averti le gouvernement

Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Le mouvement de protestation contre l’exploration du gaz de schiste qui dure depuis une semaine dans la daïra d’In Salah et qui est en train de virer à un mouvement de révolte générale contre la marginalisation de toute une région avec toutes les conséquences politiques que cela pourrait avoir pouvait être évité si le gouvernement avait daigné écouter les appels qui lui parvenaient de la société civile locale.

En effet, depuis plusieurs années, des associations locales n’ont pas cessé d’attirer l’attention des autorités sur les dangers de l’exploitation du gaz de schiste dans la région. Parmi ces associations, l’association SHAMS qui a choisi d’activer dans le domaine de la protection de l’environnement et le développement des énergies renouvelables. Depuis 2012, date de sa création, cette association s’est attelée à la sensibilisation des habitants et des pouvoirs publics sur les effets néfastes de l’exploitation du gaz de schiste. Depuis que l’association a découvert que le nouveau champs gazier de Hassi Moumen, 35 km au nord de la ville d’In Salah, est le théâtre d’opérations d’exploration effectuées par Sonatrach et ses associés qui procèdent à l’injection de l’eau extraite (déshydrations) du gaz humide, une action a été lancée pour interpeller le gouvernement sur la nécessité de reporter cette opération, surtout qu’un puits injecteur et des installations de pompage sont déjà en construction et que des informations non officielles ont laissé penser que l’exploitation commencera dès le premier trimestre de l’année 2015.

« Notre inquiétude est forte, justifiée et due au fait que cette eau est forcément contaminée par des produits chimiques, qu’elle est très salée (eau de saumure), en grande quantité, et l’injection sera opérée à une profondeur de 1400 m », peut-on lire dans le rapport adressé aux autorités du pays. Cette inquiétude a été relayée aux différentes instances de la wilaya de Tamanrasset mais visiblement en vain.

Pour le collectif de Shams, l’inquiétude de la population par rapport à la contamination des nappes d’eau dans une zone aussi désertique que dépourvue que In Salah s’ajoute aux différents problèmes relatifs au non-développement de la région, ses conditions climatiques rudes, la qualité de vie déjà fortement dégradée par toutes sortes d’insuffisances en matière d’infrastructures de base, d’encadrement compétent auxquels s’ajoute le risque de dégradation irréversible de la seule et unique ressource vitale, fossile non renouvelable.

En novembre dernier, l’association a lancé un nouvel appel au wali de Tamanrasset pour user de tout son pouvoir afin de lancer une enquête, une revue des autorisations acquises, auditer les études d’impact existantes et le degré de compétence des organismes chargés de ces études. L’association a notamment demandé l’arrêt de cette opération et d’obliger Sonatrach et ses associés à traiter cette eau et mettre en place un procédé écologiquement propre par l’évaporation naturelle et la création d’une zone humide naturelle. A cet égard, le collectif interpelle les pouvoirs publics sur la nécessité d’appliquer le principe de précaution (principe n° 15 de la déclaration de Rio signée par l’Algérie) arguant que les principes de prévention annoncés par le Premier ministre et le ministre de l’Energie ne constituent pas des valeurs sûres s’agissant d’une réserve d’eau fossile non renouvelable.

Pour rappel, l’association a à son actif plusieurs activités dans e cadre de la sensibilisation à la protection de l’environnement. Ainsi, outre les campagnes et les correspondances, l’association Shams a développé un projet visant à mettre en place un apprentissage de la ségrégation des déchets au niveau scolaire, qui a déjà touché 15 écoles primaires et qui sera étendu l’année prochaine au reste des établissements scolaires d’In Salah. Le financement de ce projet a été assuré par l’ambassade de France dans le cadre des appels de projet auxquels a postulé l’association. L’autre projet phare de Shams est la vulgarisation du concept d’isolation thermique des bâtiments dans les zones chaudes et la construction durable. Un premier séminaire a d’ailleurs été organisé en mars 2013 en présence de 5 conférenciers nationaux avec des recommandations que les instances locales et centrales feignent d’ignorer.

L’association Shams active également sur le front politique et plus particulièrement en direction  de l’APN avec la sensibilisation entamée auprès des députés du Sud pour mettre en avant ce problème de construction et de réglementations pour les zones chaudes. L’autre projet en maturation est le lancement d’un club scientifique inspiré du mouvement mondial Maker, Coder Dojo, l’électronique et l’informatique pour tous. Approuvé par le ministère de la Jeunesse, ce projet attend le financement promis par ce ministère. L’association cherche également un parrainage pour le lancement de son projet de brise-vent, une sorte de barrage vert où l’irrigation sera assurée par un système solaire.