Le mouvement protestataire d’In Salah prend une tournure politique

Au septième jour de la mobilisation contre l’exploitation du gaz de schiste à In Salah, le mouvement semble prendre une tournure de plus en plus politique. Tout indique que les forages expérimentaux des puits de gaz de schiste effectués par Sonatrach n’étaient que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. La révolte contre les dangers induits par l’exploitation du gaz de schiste est en train de s’étendre aux autres aspects de la marginalisation socioéconomique de la daïra d’In Salah. Le mouvement de protestation semble structuré autour d’une coordination d’une vingtaine d’associations de la société civile même si l’association Shems pour la protection de l’environnement et le développement des énergies renouvelables est la plus médiatisée.

Outre l’arrêt immédiat des forages des puits de gaz de schiste dans la région, le mouvement protestataire agite désormais des revendications à caractère politique comme la révocation du chef de daïra et la dissolution immédiate de l’Assemblée populaire communale (APC).accusée d’être complice des trafics commis par la mafia du foncier et de nombreuses autres malversations. Le mouvement protestataire met également en cause la marginalisation d’In Salah dans la politique de développement et exige une distribution plus équitable des terrains, des logements et des crédits à l’investissement. Depuis plusieurs jours, c’est à la naissance d’un véritable mouvement citoyen que nous assistons à In Salah dans la mesure où les associations de la société civile qui en sont à la base réclament un projet de développement durable et solidaire que le gouvernement a échoué à mettre en place malgré les milliards de dollars dépensés chaque année.

Le mouvement protestataire est en train de s’étendre à toute la région. Plusieurs milliers d’étudiants et d’enseignants du centre universitaire de Tamanrasset ont manifesté hier en solidarité avec les citoyens d’In Salah et ont partagé leurs revendications. En effet, la question de la marginalisation des populations du sud est au centre de tous les mouvements protestataires qui ont éclaté ces dernières années dans plusieurs wilayas du sud du pays. La réaction des autorités face à ce mouvement social n’est pas à la hauteur de l’évènement.  Alors que le mouvement de protestation a commencé depuis une semaine, aucun responsable de haut niveau ne s’est déplacé pour rencontrer les représenter de la population. Le wali a rencontré quelques délégués à l’hôtel d’In Salah et leur a promis de transmettre leurs demandes aux autorités de tutelle mais sans plus.

Face à l’intensification du mouvement, le pouvoir qui craint un possible débordement a envoyé des gendarmes en renfort et même si l’intervention des forces de la gendarmerie nationale pour libérer les routes qui étaient bloquées par les protestataires peut se comprendre, il est clair que la répression ne saurait être une réponse valable à un mouvement citoyen pacifique de cette ampleur. Le moratoire pour l’exploration du gaz de schiste dans la région exigé par les protestataires ne peut être décidé que par les hautes autorités de l’Etat et sans nul doute celles-ci sont actuellement occupées à étudier une telle éventualité. Mais en attendant, le déplacement du premier ministre pourrait donner l’impression à la population d’In Salah que le gouvernement n’est pas insensible à leurs préoccupations. La prise en charge rapide par le gouvernement des revendications de la population d’In Salah au moyen de l’ouverture d’un dialogue sérieux est d’autant plus urgente qu’un mouvement de cette ampleur n’est pas à l’abri de provocations de toute origine visant à créer un climat de tension à caractère régionaliste propice à l’ingérence étrangère.