Le retour controversé de Khaled Nezzar fait le buzz sur les réseaux sociaux
Pour le moins qu’on puisse dire, le retour en Algérie de l’ancien ministre de la défense nationale, Khaled Nezzar, n’est pas passé inaperçu. Condamné à 20 ans de prison par le Tribunal militaire de Blida, en même temps que les anciens généraux Toufik et Tartag, pour avoir participé à un « complot » contre l’autorité de l’Etat et de l’armée, Khaled Nezzar était en fuite en Espagne. Plusieurs sources avaient laissé entendre que l’ancien ministre de la défense nationale était en pourparlers avec les nouveaux responsables algériens en vue de négocier les termes de son retour au pays. Le fait d’être rentré au pays à bord d’un avion spécial du GLAM et avec les honneurs militaires comme on peut le vérifier à travers les photos qui ont circulé sur les réseaux sociaux, à l’instigation de Khaled Nezzar lui-même, n’a pas manqué de susciter la polémique en Algérie. Comme au bon vieux temps de la décennie noire, Salima Tlemçani a repris du service et n’a pas hésité à nous gratifier de tous les détails concernant le vol qui a transporté Khaled Nezzar en Algérie, détails livrés bien-sûr comme d’habitude par ses officiers traitants.
Plus sérieusement, le retour de Khaled Nezzar ne semble pas faire l’unanimité parmi les observateurs interrogés. Pour les uns, le retour de l’ancien ministre de la défense nationale relève tout simplement d’une opération de sécurité nationale. Le commandement de l’armée ne pouvait pas laisser à l’étranger une personnalité de cette envergure qui pouvait à tout moment faire l’objet de poursuites pénales sur le territoire européen en raison de son rôle dans les exactions commises dans le cadre de la lutte antiterroriste durant la décennie noire et ce, avec le risque que de telles poursuites en viennent à menacer d’autres chefs militaires à la retraite ou en activité. Pour d’autres, le retour de Khaled Nezzar s’inscrit tout simplement dans le cadre d’une nouvelle recomposition politique au sommet du pouvoir algérien avec notamment le retour du clan de l’ex-DRS dissous dont plusieurs dizaines d’officiers supérieurs sont revenus aux affaires durant ces derniers mois. Les mêmes observateurs annoncent la prochaine libération des généraux Toufik et Tartag qui vont être rejugés pour la forme en janvier prochain. Il faut s’attendre également à la libération du général Saïd Bey et d’autres généraux arrêtés sous l’ère de Gaïd Salah et au retour de l’étranger du général Habib Chentouf.
Quelle que soit la lecture adoptée par rapport à un sujet aussi controversé, une chose est sûre : si les responsables algériens ont raison de mettre au premier plan de leurs préoccupations l’exigence du renforcement du front intérieur dans une conjoncture géostratégique régionale des plus instables et de prendre toutes les mesures qui peuvent aller dans ce sens, il n’est pas sûr que le retour de Khaled Nezzar dans les conditions qui ont été médiatisées soit de nature à répondre à cette exigence nationale au vu de ce que nous avons pu constater sur les réseaux sociaux. Des milliers d’internautes n’ont pas trouvé de mots assez durs pour exprimer leur colère contre le blanchiment de celui qui reste à leurs yeux un « criminel de guerre ». Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, les adversaires de Khaled Nezzar ne se recrutent pas seulement parmi les islamistes. De nombreux algériens n’hésitent pas à renvoyer dos à dos les criminels des deux camps qui ont pris en otage la société algérienne durant la décennie noire. Il ne faut pas oublier que l’épuration de l’armée algérienne des acolytes de Nezzar depuis une quinzaine d’années a permis à cette institution de retrouver progressivement son prestige auprès des jeunes générations. Si le commandement de l’armée algérienne désire réellement renforcer le front intérieur face aux dangers qui menacent le pays, il serait mal avisé de dilapider le capital symbolique que constitue la confiance des Algériens en leur armée. Une confiance qui risque d’être sérieusement entamée si par malheur le retour de Nezzar en Algérie devait signifier un retour aux affaires de ses acolytes dits « éradicateurs ».
Mohamed Merabet