Que signifie le rappel de Ramtane Lamamra à la tête du Ministère des affaires étrangères ?

Le fait le plus marquant dans le changement de gouvernement qui vient d’avoir lieu est certainement le départ inattendu du ministre des affaires étrangères, Sabri Boukaddoum et le non moins surprenant rappel de Ramtane Lamamra à la tête de ce ministère. Sur les réseaux sociaux, c’est la consternation. Le ministre qui avait les faveurs de l’opinion publique et qui fut tout simplement brillant à son poste, est remplacé par un diplomate qui dispose certes de qualités professionnelles indéniables mais qui traîne malheureusement derrière lui des casseroles très lourdes.

En effet, avant d’être nommé à la tête du ministère des affaires étrangères une première fois en 2013, Ramtane Lamamra a occupé le poste très stratégique de secrétaire général de ce même ministère entre 2005 et 2007 et il fut révoqué de ce poste officiellement pour occuper le poste prestigieux de commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité mais officieusement tout le monde savait au Ministère des affaires étrangères que c’était en raison de ses pratiques clientélistes et régionalistes. Par la suite, Ramtane Lamamra a tenté durant la crise politique de 2019 de sauver le régime chancelant de Bouteflika. Dans ce contexte, il fut chargé en mars 2019  d’une mission à Moscou en vue de distendre les liens entre les dirigeants russes et le chef de l’armée de l’époque, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd-Salah. Dans ce jeu trouble, Lamamra ne servait pas seulement ses mentors de l’intérieur (Saïd Bouteflika et le général Toufik) mais aussi les capitales étrangères (et notamment Paris) qui cherchaient à sauver le régime de Bouteflika et barrer la route à l’état-major de l’ANP.

C’est pourquoi le retour de Lamamra à la tête de la diplomatie algérienne ne peut que susciter des interrogations et des inquiétudes. Dans une conjoncture géostratégique marquée par de graves pressions extérieures sur l’Algérie, les dirigeants algériens ont-ils cherché à envoyer des signaux rassurants en nommant à la tête du ministère des affaires étrangères un diplomate connu à la fois pour sa proximité avec les cercles occidentaux et son « amitié » avec le ministre russe des affaires étrangères ? En effet, même si rien n’est impossible, il est difficile d’imaginer que le président Tebboune ait procédé à une telle  nomination sans l’aval du commandement militaire tant la politique étrangère entretient des relations directes avec la défense et la sécurité nationales. Il reste maintenant à savoir si la nomination d’un diplomate comme Lamamra, malgré tous les soupçons qui pèsent sur lui, pourrait suffire à atténuer l’hostilité manifestée par quelques capitales occidentales à l’égard de l’Algérie.

Mohamed Merabet