Qu’est devenu le Hirak ? Le point de vue de Amar Belhimer

22. 02.2023. Le Hirak algérien qui a commencé comme un mouvement actionné par des éléments liés à l’ex-DRS a été pris en charge par la multitude algérienne qui lui a imprimé un caractère populaire incontestable. Dans un contexte politique marqué par la sainte alliance entre le clan oligarchique des Bouteflika, les anciens chefs de l’ex-DRS et le système néocolonial français, il était naturel que la revendication démocratique contre le cinquième mandat soit mêlée à la revendication nationale anti-impérialiste, ce qui explique la convergence remarquable dans la première phase du Hirak entre le mouvement populaire et le commandement de l’ANP avec le mot d’ordre « Echaab elDjeich Khawa khawa ! » A l’occasion du 4eme anniversaire du Hirak qui a permis de renverser le régime oligarchique de Bouteflika, nous reproduisons quelques extraits de l’entretien accordé par l’ex-ministre de la communication, à l’APS, et dont l’analyse n’a rien perdu de sa pertinence.

Dans un entretien à l’APS, l’ex-ministre de la Communication, Ammar Belhimer, avait déclaré que le Hirak a été complètement dénaturé et pris en otage par des groupuscules d’obédiences diverses mais minoritaires et soutenus par des Ong liées à des puissances étrangères.. A l’origine, mouvement transcourant et trangénérationnel, il a fini par être parasité par certains courants politiques qui l’ont rejoint pour mieux le faire dévier de sa vocation citoyenne, patriotique, démocratique et plurielle ». « Il est donc à craindre que le Hirak s’inscrive de plus en plus dans le prolongement de ces bouleversements préfabriqués qui, au demeurant, révèlent chaque jour davantage leur caractère contre-révolutionnaire », a-t-il souligné, ajoutant que « des ONG qui ont pignon sur rue à Genève ou à Londres, des résidus irréductibles de l’ex-FIS et des revanchards mafieux de l’ancien système travaillent d’arrache-pied, y compris par derrière les barreaux ou à partir de leurs retraites dorées (forcées ou choisies), pour propager les mots d’ordre de désobéissance civile, de troubles et de recours à la violence ».

Selon M. Belhimer, « l’accumulation effrénée de ressources financières et le positionnement de leurs relais dans tous les appareils d’Etat et à tous les niveaux de décision, leur confère naturellement une force de frappe qui n’a pas encore été totalement contenue » et, par conséquent, « ils escomptent un retour aux affaires et aux commandes à l’aide de marches quotidiennes là où elles peuvent être tenues, appuyant des mots d’ordre hostiles à l’institution militaire et aux services de sécurité. Ce qui est en fait visé ce sont les institutions, l’ordre public, la stabilité et la souveraineté nationale ». A propos de l’évolution de la situation politique et sociale depuis février 2019, M. Belhimer a indiqué que « bien avant l’irruption du coronavirus comme risque anthropique majeur pour le pays et pour le reste du monde, le Hirak perdait au fil des semaines son caractère de mouvement populaire, historique car inédit, spontané et surtout rassembleur à grande échelle », ajoutant que « sa grande dimension, sa masse critique, son amplitude, sa récurrence et sa résilience lui ont permis de traverser l’ensemble de la société algérienne au-delà même des classes sociales, des ancrages idéologiques, des sensibilités politiques, de l’appartenance identitaire et du sentiment religieux ».

Toutefois, M. Belhimer craint que « ce qui se profile dangereusement derrière un mouvement qui a porté la cause juste d’un changement démocratique grâce à sa formidable discipline et son caractère non-violent, c’est la quête d’une nouvelle hégémonie coloniale ». Il a, à cet égard, déploré de voir que « les millions de manifestants mobilisés par le Hirak en vue de mettre un terme au culte de la personnalité, renouer avec les libertés pour mieux en élargir le champ d’exercice et installer l’alternance au pouvoir, ont été efficacement exclus par la nouvelle secte autoproclamée révolutionnaire », ajoutant que « le manque d’organisation politique nationale permettait aux personnalités et partis de l’opposition néolibérale et conservatrice d’aspirer à conquérir le pouvoir ». « Et ce n’est certainement pas un hasard si certains mass media encensent le caractère spontané des luttes (et non les revendications socioéconomiques) et confèrent un éclairage défavorable au rôle de sauvegarde et de stabilisation de l’Armée nationale populaire (ANP) », a-t-il soutenu.