Sahara occidental : Déconstruire les arguments de la propagande marocaine Par Belgacem Merbah

29.10.2025. Aujourd’hui, un discours médiatique récurrent présente l’« autonomie » marocaine comme la seule solution « réaliste » au conflit du Sahara occidental, laissant entendre un changement radical du droit international et de la pratique onusienne. Cet article, fondé sur des sources primaires, démontre que le cadre juridique applicable demeure inchangé : le Sahara occidental est toujours considéré comme un territoire non autonome en cours de décolonisation, fondé sur le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

Les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU continuent d’appeler à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui garantisse l’autodétermination, sans pour autant privilégier un résultat prédéterminé. La jurisprudence européenne récente réaffirme le statut du territoire comme « séparé et distinct » du Maroc et souligne la nécessité du consentement sahraoui pour tout accord le concernant. Si certaines positions bilatérales soutiennent l’initiative marocaine, elles ne modifient en rien le caractère contraignant des normes onusiennes.

1. Un différend juridico-politique sous l’égide de l’ONU

Le statut du Sahara occidental repose sur trois piliers juridiques : l’avis consultatif de la CIJ de 1975, la liste des territoires non autonomes de l’ONU et les résolutions périodiques du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.

  • La Cour internationale de Justice a conclu à l’absence de liens de souveraineté territoriale entre le Sahara occidental et le Maroc ou la Mauritanie, affirmant explicitement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination par la décolonisation (CIJ, Sahara occidental, 16 octobre 1975).
  • Le Sahara occidental figure sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU depuis 1963 et constitue, de l’aveu même de l’ONU, le dernier dossier de décolonisation en Afrique.
  • La Quatrième Commission de l’Assemblée générale réaffirme chaque année le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et la responsabilité de l’ONU en la matière.

Conclusion partielle : La notion d’un « nouveau réalisme juridique » qui limite le résultat à l’autonomie contredit ces références juridiques fondamentales.

2. Que disent réellement les résolutions du Conseil de sécurité ?

Depuis 2007, le Conseil de sécurité a renouvelé le mandat de la MINURSO et appelé à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui garantisse l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. Les résolutions 2703 (2023) et 2756 (2024) prorogent le mandat de la MINURSO et réaffirment ce principe, tout en appuyant l’action de l’Envoyé personnel et en encourageant la coopération avec le HCDH en matière de surveillance des droits de l’homme.

Deux points essentiels ressortent :

• Aucune résolution ne « soutient » l’autonomie comme unique voie à suivre. L’« appréciation » par le Conseil de propositions « sérieuses et crédibles » n’équivaut pas à imposer un statut ou à préjuger de l’issue.

• Le Conseil réaffirme systématiquement le rôle des parties (Maroc et Front Polisario) et des États voisins (Algérie et Mauritanie), soulignant leur responsabilité partagée dans la relance du processus.

3. Mandat de la MINURSO : Un référendum reste essentiel

Créée par la résolution 690 (1991), la MINURSO avait initialement pour mission d’organiser un référendum permettant au peuple sahraoui de choisir entre l’indépendance et l’intégration. Bien que ce référendum n’ait pas eu lieu, le mandat officiel de la Mission reflète toujours cet objectif fondateur, aux côtés de la surveillance du cessez-le-feu, du soutien politique et du déminage. Des résolutions récentes étendent la présence de la MINURSO afin de maintenir la désescalade et d’appuyer la médiation des Nations Unies, sans pour autant modifier le principe juridique d’autodétermination.

4. « Autodétermination interne » ? Clarification des catégories juridiques

L’argument selon lequel le droit international contemporain privilégie l’« autodétermination interne » (gouvernance locale sous l’égide d’un État souverain préétabli) doit être contextualisé. Dans les scénarios de décolonisation concernant des territoires non autonomes, la règle prévalant demeure l’autodétermination librement exprimée, y compris l’option de l’indépendance. L’arrêt de la CIJ de 1975 et la pratique de la décolonisation des Nations Unies le confirment. Réduire l’autodétermination à une simple dévolution administrative en dénature la norme dans ce contexte précis.

5. Jurisprudence européenne (2024) : « Territoire séparé et distinct », consentement requis

Le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (Grande Chambre) a annulé l’extension des accords UE-Maroc au Sahara occidental et à ses eaux adjacentes. La Cour a jugé que ce territoire est « séparé et distinct » du Maroc au regard du droit international et que tout accord le concernant requiert le consentement du peuple sahraoui – et non la simple consultation d’une « population » incluant les colons. Cet arrêt, fondé sur le droit à l’autodétermination et le principe de relativité des traités, renforce le statut international du territoire et réfute la notion de souveraineté marocaine erga omnes.

6. Positions bilatérales et cadre multilatéral : distinguer le politique du droit

Certains États ont exprimé leur soutien politique à l’initiative marocaine. En avril 2025, les États-Unis ont réaffirmé leur reconnaissance de 2020 et ont décrit l’autonomie comme le « seul fondement » des discussions dans leur position bilatérale. Cependant, cette position ne modifie pas le cadre juridique des Nations Unies : les résolutions du Conseil de sécurité continuent de faire référence à l’autodétermination, maintiennent la neutralité quant à l’issue finale et appellent à des négociations sans conditions préalables. Il est donc essentiel de distinguer les soutiens politiques des normes contraignantes des Nations Unies.

7. Projet de loi américain H.R. 4119 (2025) visant le Polisario : État actuel

Les références médiatiques à une possible « désignation du Front Polisario comme organisation terroriste » nécessitent des éclaircissements. Le 24 juin 2025, un projet de loi bipartisan (H.R. 4119 – Loi sur la désignation du Front Polisario comme organisation terroriste) a été déposé à la Chambre des représentants des États-Unis. Ce projet de loi est actuellement en commission et n’a aucune valeur juridique. Il charge simplement le Département d’État d’évaluer si les critères de désignation sont remplis. Présenter cette initiative comme un fait accompli est inexact et n’a aucune incidence sur le cadre juridique applicable des Nations Unies.

8. Droits de l’homme et gouvernance : une préoccupation constante pour l’ONU

Au-delà des questions de statut, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général soulignent la fragilité humanitaire de la région et la nécessité de coopérer avec le HCDH, notamment par des visites sur le terrain et dans les camps de réfugiés, et en garantissant des voies d’approvisionnement sûres vers les sites de la MINURSO. Les rapports du Secrétaire général de 2024 décrivent une situation militaire instable depuis la rupture du cessez-le-feu de 2020 et plaident pour une désescalade et une reprise crédible du processus politique sous médiation onusienne.

9. Perspectives d’avenir : Principes pour sortir de l’impasse

Trois principes, conformes au droit international et à la pratique des Nations Unies, apparaissent indispensables :

• Primauté du cadre onusien : Relancer les négociations sous l’égide de l’Envoyé personnel, sans conditions préalables, avec le Maroc et le Front Polisario comme parties prenantes, et l’Algérie et la Mauritanie comme États voisins agissant de bonne foi.

• Respect du droit à l’autodétermination : Toute solution mutuellement acceptable doit garantir l’autodétermination du peuple sahraoui. Les modèles institutionnels (y compris l’autonomie) ne sont valables que s’ils résultent d’un consentement libre et éclairé.

• Garanties juridiques et économiques : Tout accord portant sur des ressources ou des considérations économiques doit être conforme à la jurisprudence exigeant le consentement du peuple – et non celui de la « population » en tant que telle.

Conclusion

Loin de refléter un « nouveau réalisme », le dossier du Sahara occidental demeure fermement ancré dans les principes de décolonisation et d’autodétermination. Les résolutions du Conseil de sécurité n’imposent pas une issue unique ; elles exigent un processus équitable fondé sur le compromis, permettant au peuple sahraoui de déterminer son statut final. La Cour de justice de l’Union européenne a réaffirmé en 2024 les conséquences juridiques du statut « séparé et distinct » du territoire. Les positions bilatérales et les initiatives législatives étrangères ne sauraient prévaloir sur le cadre onusien. Une résolution durable exige de dépasser la propagande, de revenir aux textes juridiques et de placer la volonté du peuple sahraoui au centre – seul guide compatible avec la Charte des Nations Unies.

Source : Algerian Patriots

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