Communiqué de presse de l’Association Abdelhamid Mehri
Dans un communiqué rendu public à la veille des manifestations du vendredi 1er mars, l’Association Abdelhamid Mehri a tenu à se positionner par rapport aux derniers développements de la scène nationale. Nous publions ci-dessous la traduction de ce communiqué. Pour rappel, l’Association Abdelhamid Mehri est un regroupement de patriotes algériens qui militent pour un véritable changement démocratique à la hauteur des aspirations de la jeunesse algérienne dans le cadre de la préservation des acquis de la Révolution algérienne que sont « l’indépendance et la souveraineté nationales, le caractère républicain, démocratique et social de l’Etat algérien dans le respect des principes islamiques ».
A la veille des manifestations du vendredi 1er mars auxquelles ont appelé des sources anonymes sur les réseaux sociaux, les Algériens retiennent leur souffle. Quels que soient leur choix et leurs convictions, les citoyens émettent par dessus-tout le vœux que ces manifestations continuent de se dérouler pacifiquement dans le respect de l’ordre public. A cette occasion, nous tenons à saluer le pacifisme des jeunes manifestants en même temps que nous saluons le professionnalisme et la retenue des forces de l’ordre et nous les appelons à réitérer ce comportement lors des manifestations de demain afin d’éviter tout dérapage préjudiciable à la paix civile et pour ne pas donner des prétextes aux groupes qui cherchent à surfer sur cette vague de contestation populaire pour réaliser leurs sinistres desseins.
Nous saisissons cette occasion pour appeler les jeunes Algériens qui sortiront demain dans la rue sur l’ensemble du territoire national à faire preuve de la plus grande vigilance. La plupart des jeunes manifestants ne rejettent pas seulement ni essentiellement le cinquième mandat du président Bouteflika comme le cherche à le faire croire la propagande de certains médias algériens et étrangers. Les jeunes qui protestent contre le cinquième mandat savent que le président Bouteflika est pris en otage par un entourage familial et politique mafieux qui utilise son prestige pour faire passer une politique qui n’a rien à voir avec son parcours historique au service de l’indépendance et de la souveraineté de l’Algérie.
Au-delà du cinquième mandat, les jeunes manifestent pour un changement profond qui assure la rupture avec le système bureaucratique et rentier qui a engendré les fléaux que nous connaissons : la corruption, le clientélisme et le régionalisme et qui constitue aujourd’hui une menace directe pour l’Etat algérien dans la mesure où l’argent sale de la nouvelle oligarchie sert à acheter des responsables à tous les niveaux de pouvoir : législatif, exécutif et judiciaire et dans la mesure où cette nouvelle bourgeoisie compradore n’hésite plus à s’allier ouvertement avec les cercles néocolonialistes français pour asseoir son contrôle sur l’économie algérienne.
S’il est de notre devoir de soutenir la jeunesse algérienne assoiffée de changement, nous tenons à la mettre en garde contre les forces qui cherchent à profiter de son mouvement pour servir d’autres agendas politiques inavoués. La jeunesse algérienne n’est pas dupe. Elle sait que des opportunistes sont en train de changer de camp depuis quelques jours. Ces opportunistes ont profité du système depuis des décennies mais ils sont capables de changer de veste à la dernière heure pour assurer la pérennité de leurs privilèges indus. Des minorités culturelles et idéologiques hostiles aux valeurs du peuple algérien cherchent à profiter du mouvement de protestation populaire pour instaurer une seconde république inféodée à la France. Les minorités qui n’ont jamais digéré le retour de l’Algérie à l’aire civilisationnelle arabo-musulmane savent qu’elles ne pourront jamais, à elles seules, abattre le système. Pour cela, elles comptent sur la manipulation de la révolte de la jeunesse algérienne et sur leurs parrains français mais cela ne suffit visiblement pas. Depuis plusieurs semaines, nous constatons la naissance d’une alliance objective entre le courant franco-berbériste qui bénéficie du soutien des débris de l’ex-DRS dissous et la mouvance de l’ex-FIS dissous appuyée par les médias du Golfe et du makhzen marocain.
Le commandement de l’ANP et les services de sécurité semblent conscients des menaces qui pèsent sur la stabilité de l’Algérie mais leur lecture des évènements et leur communication ne sont malheureusement pas à la hauteur des défis de l’heure. Il ne suffit plus de pointer du doigt les groupes qui cherchent à se servir des jeunes Algériens en vue de les pousser vers l’inconnu. Il faut traiter à la racine le problème et répondre politiquement à l’inquiétude de franges importantes de la jeunesse algérienne. Les décideurs algériens auraient pu éviter l’option d’un cinquième mandat qui s’avère dangereuse dans la mesure où elle divise les Algériens et donne un prétexte commode aux pêcheurs en eaux troubles. ils auraient pu trouver un compromis qui rassure les acteurs sociaux et politiques qui comptent tout en ouvrant une nouvelle page dans l’histoire de l’Algérie qui puisse donner de l’espoir à la jeunesse algérienne. Malheureusement, ils ne l’ont pas fait et nous osons espérer que l’histoire n’aura pas à enregistrer ce fait comme un manquement grave et irréversible.
Nous avons pleinement confiance dans le patriotisme et le sens des responsabilités de ceux qui ont aujourd’hui la lourde charge de permettre à notre pays de traverser cette épreuve dans les meilleures conditions possibles. Le contrôle de la situation sur le plan sécuritaire que nous souhaitons de toutes nos forces ne doit pas constituer un prétexte pour reculer l’échéance d’un changement devenu inéluctable. Mais si la situation devait évoluer dans les prochains jours et les prochaines semaines dans un sens qui pourrait mettre en danger l’unité de la nation, nous lançons d’ores et déjà un appel au commandement de l’armée pour qu’il prenne courageusement ses responsabilités en vue de sauvegarder la pax civile en Algérie dans le respect de ses missions et prérogatives constitutionnelles et sans humilier un président qui a tant donné à l’Algérie.
Association Abdelhamid Mehri
Alger, le 28 février 2019